parfois j'ai envie de régler mes comptes
envoyer un courrier qui dirait
"peu de gens m'ont fait aussi mal"
pourrait continuer, par exemple, par
"j'aimerais te voir saigner, dépecer et manger tes enfants"
terminerait peut être avec
"crève"
(nota : c'est pas parce que tu n'as pas (encore ?) d'enfants ou que je te vouvoie parfois que ces mots ne pourraient pas être pour toi)
(nota 2 : parce que c'est peut être ambigu, je ne boufferai les gosses de personne, je mange de moins en moins de viande, c'est toi qui les saignes, toi qui les dépèces et toi qui les manges, moi j'ai du pain et du beurre, ça va, merci)
j'en ai parlé à une amie
elle m'a dit "ça ne serait pas toi, ça"
je ne sais pas si elle a raison
j'ai quelques trucs qui me restent en travers
comme tout le monde
comme chacun de nous sans doute
je m'interroge
faut-il dire aux gens qui nous ont fait du mal tout le mal qu'ils nous ont fait ?
combien profondément ils nous ont dévasté ?
combien ça cicatrise lentement ?
faut-il attendre que ça cicatrise sans dire, serrer les dents ?
parce que ça finit toujours pas se terminer
ça finit toujours par ne plus saigner
même si on gratte encore la croute
au bout d'un moment il ne reste qu'une marque
mais plus de blessure
sinon j'ai découvert cette image ce matin
je l'ai trouvée jolie et douce
je me dis que ça fait du bien, les jolies choses
(Norma Shearer par Alferd Cheney Johnston)