je m’étais dit que je parlerai de l’eau
de la mer
de la couleur de la mer
quand le zodiac fend la surface
quand les chevaux d’écume s’en vont fougueux
de chaque côté des boudins en plastique
quand les mains, dans l’eau, un peu
quand finalement on se laisse descendre,
pour aller voir, dessous
ou alors…
ou alors parler de ces adultes qui apprennent à nager
celles et ceux que j’ai vus le jeudi soir
le créneau d’avant nous
les gens qui apprennent
pas des enfants
des adultes
le jeudi soir
et voir le sourire sur le visage de cette femme qui remonte : elle a plongé !
la tête la première !
la première fois !
et les autres d’applaudir
contents pour elle
aussi contents qu’elle
fiers, tous
j’aurais dit le courage qu’il faut
j’aurais dit l’admiration que j’ai pour ce courage.
adulte :
se jeter à l’eau, tout lâcher, crisper les orteils sur le rebord carrelé
pousser
se jeter
tête la première
je pensais parler de ça
de quelque chose qui nous éloigne un peu d’ici et de maintenant
de quelque chose qu’on refera j’espère bientôt
de quelque chose d’un peu léger
de quelque chose qui me « tient »
je me disais ça
j’avais dit « ce weekend je prends le temps d’écrire »
et puis samedi
fin d’après midi
ce moment où je me pose
j’ouvre mon facebouque
et la nouvelle…
c’est ce que je vois en premier
deux photos
un homme tient un petit enfant dans les bras
une enfant
les mots de cette enfant
cette enfant qui a grandi, que je connais un peu
ta sœur, qui parle de son papa, de ton papa
et ses mots « ton âme part au paradis »
je les prends en pleine poire
on a beau dire
on a beau tout ce qu’on veut
on n’est pas prêt
même si « malade », même si « hospitalisé »
ça reste des mots
rien que des mots
on n’est pas prêt
les souvenirs, d’un coup
un gouter chez tes parents
la maison, le jardin,
toi, lui, ta maman, mes parents, moi
il faisait beau je crois
on venait d’avoir nos diplômes
il y a pas mal d’années déjà…
sans doute ils étaient un peu fiers, nos parents
sans doute on ne mesurait pas tout
ton mariage,
et encore ton papa,
son sourire, sa gentillesse
la fête, la joie, nos belles robes, leurs costumes
son joli accent qui sent le soleil
sa façon de nous accueillir, de nous faire sentir en famille
je ne l’ai vu que dans des moments joyeux
je ne l’ai vu que souriant
je garderai cette image de lui, le sourire, le soleil
sa façon de remercier la vie qui lui avait donné « le miel et le citron »
sa façon simple de raconter son amour pour Brigitte
son amour pour vous
alors ce soir, ce n’est pas l’eau
c’est ce souvenir, cette joie de vivre
tout cet amour que je veux dire
je pense à vous, fort
au revoir, Willy…